Sommaire de l’épisode
L’innovation peut aussi se faire au niveau des pratiques de gestion. En s’intéressant aux différentes perspectives du changement et à l’innovation managériale, les dirigeants peuvent tirer profit de nouvelles opportunités.
À l’épisode 45, nous parlons accompagnement du changement et innovation managériale avec David Autissier. Ces deux sujets sous-tendent souvent les thématiques dont nous traitons dans nos différents épisodes.
David Autissier est Maître de conférences HDR à l’IAE Gustave Eiffel de l’Université de Paris Est Créteil où il enseigne le management, les systèmes d’information et la conduite du changement et intervenant à l’ESSEC Executive Education. Il est également directeur de la Chaire ESSEC du changement et de la Chaire ESSEC Innovation Managériale et Excellence Opérationnelle.

Il est auteur ou co-auteur ou coordonnateur de 66 ouvrages sur le management et le changement depuis 2006. Citons notamment «Méthode de conduite du changement», «Le Changement Agile», «L’innovation Managériale» et plus récemment «Pourquoi allons-nous au bureau?» et «Stop aux erreurs de décision»
Ses travaux de recherche traitent des problématiques de changement et de management dans une perspective de recherche-action avec des entreprises, toujours avec pour objectif de partager des réflexions avec le plus grand nombre.
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Détails de l’épisode
(0:00) Bienvenue à l’épisode 45
- Entrevue avec David Autissier.
(1:49) La gestion du changement
- Tu es une sommité en matière de management et d’accompagnement du changement en France et en francophonie, où en sont rendues les entreprises aujourd’hui en matière de changement?
- Commençons par une brève histoire des méthodes du changement : dans les années 1980 et 1990, à partir des travaux de Lewin et de Moss-Kanter, on parlait de changement instrumental. Il y a un projet et il faut accompagner le projet à travers trois leviers : la communication, la formation et l’accompagnement. C’est l’approche qui a été utilisée par les groupes de conseil.
- Ce modèle évolue à partir des années 2000 lorsque la plupart des entreprises ont décidé d’internaliser la fonction car le changement c’est 50% de méthodes et d’outils et 50% de connaissance intime de l’organisation (sa culture, sa sociologie, les enjeux politiques, etc.). Kotter insiste alors pour que les managers soient formés à la conduite du changement car ils devront pouvoir s’en charger. C’est ce qui nous mène à l’approche managériale du changement.
- Mais qui former ? Former les managers de proximité? Former les managers de managers? Former les dirigeants? Kevin Johnson parle de « former une ligne de managers.
- Fin des années 2000, début des années 2010, on voit arriver le changement collaboratif, aussi appelé parfois changement agile. On s’aperçoit qu’il devient plus intéressant de faire construire les livrables du changement par les personnes concernées. Tout ou partie des livrables sont dorénavant élaborés via des ateliers.
- Les techniques d’atelier sont maintenant bien établies.
- Inconvénient: le coût de construction du changement devient beaucoup plus élevé.
- Du coup, on rétrécit les cibles initiales de construction du changement en identifiant des acteurs représentatifs, des pilotes, des ambassadeurs.
- Nous sommes aujourd’hui passés de l’accompagnement du changement à la transformation de l’entreprise.
- On se retrouve alors avec un ensemble de projets, parfois concurrents, parfois contradictoires, à accompagner.
- On se retrouve avec des problèmes de saturation, d’ancrage, de bande passante, de pilotage de l’ensemble des projets.
- Il en résulte une approche plus stratégique en matière de changement et aussi d’augmentation de la capacité de l’organisation à changer.
- Du coup, les entreprises commencent à vouloir mesurer la performance du changement.
(11:52) Le changement individuel et collectif
- Difficile de parler de changement collectif sans parler de changement individuel. Quelles sont les nouveautés auxquelles le dirigeant ou le manager devrait porter attention aujourd’hui pour réussir à changer lui ou elle-même pour ensuite faire changer les autres?
- Il y a des outils très simples: une question de visibilité tout d’abord. Dans bien des cas, il est parfois difficile d’objectiver la réalité des changements en cours. Car il y a un risque de tomber dans la rhétorique du changement: on en parle beaucoup mais concrètement, on en fait peu.
- Ensuite, quels outils et quelles méthodes, peu importe lesquels car il s’agit d’être cohérent selon le type de changement envisagé, vont être utilisés.
- Pour l’aspect individuel, on parle du modèle « delivery » qui se base sur la capacité des individus à faire, à tester et à tirer des conclusions des résultats de ces tests. C’est la somme des résultats et des apprentissages qui en résultent qui fait le changement collectif, surtout s’il existe des mécanismes pour partager ces résultats, comme ce podcast par exemple.
(18:24) Changement et environnement socioculturel
- L’approche instrumentale dont tu as parlé au début de ce podcast voit le changement comme une période de chaos entre deux périodes de stabilité. Tu nous montres aussi que dans la culture chinoise, le changement en est une qui voit celui-ci comme une période stable entre deux périodes chaotiques. Cette vision peut-elle nous aider à mieux comprendre le changement?
- On m’a déjà posé la question suivante: quel est le livre le plus ancien traitant du changement. J’ai tout d’abord pensé à Héraclite qui a traité de l’immobilisme et le mobilisme. Mais en cherchant, j’ai découvert le Yi King, le livre des transformations qui nous montre une autre vision du changement.
- Dans notre culture occidentale, nous allons de la terre au ciel et quand on dévie, on doit se remettre dans le droit chemin. Dans la culture chinoise, il est question d’énergie. Le changement c’est la nouveauté et la nouveauté c’est une recombinaison.
- Or il y a toujours quelques nouvelles recombinaisons à découvrir, donc le monde est toujours en recomposition et la nouveauté est source d’énergie. Donc plus il y a de changement, plus il y a d’énergie. L’enjeu clé en est donc un de jusqu’où je laisse de l’autonomie, de l’entrepreneuriat, de l’initiative, donc l’énergie et le chaos, et jusqu’où je freine ces initiatives, j’impose des règles ou des standards, donc le calme.
- Mais il y a d’autres visions du changement dans les autres cultures. Les cultures indiennes et arabo-musulmanes ont elles aussi leurs propres visions du changement.
(25:16) Innovation managériale et excellence opérationnelle
- Quand on pense innovation, on pense produit, service, technologie mais pas souvent management. En février 2017 tu lançais une chaire sur l’innovation managériale et l’excellence opérationnelle. Quelles sont les plus belles découvertes que tu voudrais partager avec nous sur ce sujet?
- Soit on fait des projets, pour parfois des résultats mitigés car tout est question d’individus qui ont des comportements et des postures. Mais en changeant les pratiques de management, allons-nous réussir le changement: changer sans dire qu’on fait du changement. Dans cet autre registre, en changeant les modes de fonctionnement on peut toucher en profondeur les comportements, les postures et les manières de travailler ensemble.
- N’avons-nous pas d’autres modèles de management à proposer? S’interroger sur notre manière de manager n’est-ce pas cela manager? La chaire vise à observer des pratiques dans des organisations jeunes et vieilles, petites et grosses mais pas de manière dogmatique pour montrer des modèles intéressants.
- Exemple: Laisser les commerciaux fixer leurs objectifs de vente au lieu de leur en imposer. Résultat : les objectifs fixés étaient tous légèrement supérieurs à ceux élaborés par la direction.
- Les startups évoluent rapidement et on commence à s’intéresser aux étapes d’évolution des pratiques managériales dans les différentes organisations.
(33:00) Intelligence Artificielle et Management
- Je sais que tu t’intéresses beaucoup à l’intelligence artificielle. Quelle perspective vois-tu pour ces technologies en matière de management et d’organisation?
- “Soft is eating the world”. Nous avons une intermédiation technologique dans nos vies. Ces intermédiations sont transactionnelles mais aussi et surtout relationnelles. La pratique managériale doit s’adapter à cette réalité.
- La crise de la Covid-19 est un formidable accélérateur et a brisé le tabou du tout présentiel. Toutes les organisations sont maintenant en mode hybride. On voit le modèle 60-40.
- Ce qui implique des outils de communication (les Zoom, les Teams, etc.) Ces outils vont générer des données qu’on pourra ensuite utiliser pour travailler sur les questions de modélisation.
- L’IA se fera avec les sciences cognitives. Celles-ci vont nous donner les grilles d’analyse pour aider aux prédictions.
(37:39) À retenir pour un dirigeant
- Quel message donnes-tu à un dirigeant aujourd’hui suite à cette discussion ?
- La meilleure défense c’est l’attaque.
- Cette révolution de l’hybride on ne l’aurait pas faite sans la crise de la Covid-19. Le télétravail, on en parle depuis 20 ans.
- Cette recomposition apporte beaucoup d’opportunités et il faut en profiter pour expérimenter. Bien sûr il y a des risques, bien sûr il y a beaucoup de volatilité et d’incertitude.
- Le changement vaut autant pour l’interne de l’organisation que pour l’externe car une organisation qui change influe elle aussi sur son environnement.
(40:25) Conclusion
Ressources
Coordonnées
- David Autissier – LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/david-autissier/
- Site internet: http://www.davidautissier.com
Livres
- Yi King, Le livre des Changements (Cyrille Javary et Pierre Faure (traduction), 2012)
- Méthode de conduite du changement – 4e édition, (David Autissier & Jean-Michel Moutot, 2016)
- L’innovation managériale (David Autissier, Jean-Michel Moutot, Kevin Johnson, 2018)
- Stop aux erreurs de décision ! (Vincent Berthet et David Autissier, 2021)
Blogue
- Le Futur sera Agile (Jean-François Nantel, 2021)