La période actuelle est très déstabilisante. L’apparition de la maladie causée par le SARS-CoV-2 a pris toute la planète de court. La réponse prioritaire des pouvoirs publics un peu partout autour du globe a été de demander à la population de rester confinée pendant des périodes allant de quelques semaines à quelques mois, de mettre en place des mesures de distanciation sociale et physique et d’imposer le port du masque dans certaines situations. Des mesures pour la plupart connues depuis le moyen âge. Pire, nous semblons avoir collectivement oublié comment nous avons fait face à la grippe dite Espagnole qui ne s’est pourtant pas déroulée dans l’antiquité.
La crise actuelle a, pour la grande majorité des organisations, augmenté significativement le degré d’incertitude de leur environnement. Même si elles n’ont pas engagé les mêmes approches pour faire face au virus ou n’ont pas démontré la même maturité dans leurs mécanismes d’adaptation, s’ajoutent maintenant à ce phénomène de l’incertitude quant au monde que nous allons retrouver. Si vous êtes un élu, un haut fonctionnaire, dirigeant d’une entreprise du secteur du transport aérien ou du tourisme, cette incertitude devient lassante.
Incertitudes et approches agiles
Or, augmentation de l’incertitude et acceptation du changement font partie des caractéristiques de l’environnement qui a donné naissance aux approches agiles. Et ces approches ont largement fait leurs preuves depuis deux décennies, voire plus, lorsqu’il est question d’aider les entreprises cherchant à répondre rapidement et précisément à des besoins émergents et inédits.
Dans un environnement incertain et changeant comme celui rencontré en ce moment, les approches agiles donneraient de bons résultats rapidement, chose que les méthodes prédictives et traditionnelles, trop linéaires et reposant sur l’exécution stricte de plans établis et validés bien à l’avance ne peuvent pas offrir. Elles doivent aussi pouvoir cohabiter avec une approche plus hiérarchique et autoritaire qui donnera quand même ses bons résultats habituels dans les cas où l’incertitude est levée. En effet, il y a peu d’exemples où le masque n’est pas porté dans les endroits publics fermés ou dans les transports collectifs. Les résistances à ces règles relèvent d’une approche de l’accompagnement au changement et j’y reviendrai une autre fois.
L’impact de la collaboration
Quels enseignements tirer de ces derniers exemples ? A minima, que de nouvelles solutions peuvent émerger rapidement à partir de collectifs n’ayant pas nécessairement travaillé ensemble par le passé mais qui partagent un but ou une vision commune. Que ceux et celles qui se situent au plus près des problèmes peuvent s’organiser rapidement et efficacement. Ce qui se rapproche significativement de plusieurs des principes de l’agilité, tels qu’énoncés dans la Manifeste agile. Comme le souligne Henrik Kniberg, spécialiste de l’agilité mondialement reconnu, dans sa vidéo « Spotify Engineering Culture », au sujet des approches agiles : « les règles sont un bon début, ensuite il faut les briser quand c’est nécessaire. » (Kniberg, 2014).
Cette crise mondiale, au-delà de ses impacts sanitaires, sociaux et économiques, constitue un phénomène majeur, d’une ampleur encore mal définie, dont les répercussions sont loin d’être toutes identifiées. Au niveau des individus, elle met en péril l’emploi de plusieurs millions et peut même aller jusqu’à en ruiner certains, quand elle ne met pas leur santé et celle de leurs proches en danger. Elle plonge les organisations, dont les entreprises privées, dans une grande incertitude et les force à naviguer à vue. Et au niveau collectif, elle exige de trouver rapidement un nouvel équilibre entre santé, liberté et économie. Elle bouleverse presque instantanément tous les plans et stratégies mises de l’avant jusque-là. Et elle rétrécit le temps : ce qui se faisait en mois, en trimestres et en années doit maintenant se faire en jours ou en semaines, surtout pendant la période cruciale où le virus sera actif mais qu’un traitement ne sera pas disponible.
La rapidité d’ajustement par l’autonomie
Les organisations se trouvent donc bousculées et, dans certains cas, transformées par la pandémie du Covid-19. La présence de nombreuses incertitudes -décrites au début de ce texte- devrait inciter à sortir des approches prédictives pour adopter des approches agiles, itératives et incrémentales, davantage centrées sur les besoins réels et laissant plus d’autonomie à ceux et celles qui travaillent au plus près des usagers, des bénéficiaires ou des clients.
Bien entendu, les besoins de manger, de se loger, de se déplacer et de se vêtir ne vont pas disparaître mais la manière dont les personnes vont pouvoir et vouloir les combler risquent d’évoluer rapidement au cours de la période qui s’en vient. Les besoins de divertissement, de socialisation, de rencontres et de de voyage ne disparaîtront pas non plus. Les organisations vont donc devoir trouver les moyens de se rapprocher de leurs clients et de leurs usagers, d’identifier leurs nouveaux besoins et comportements, et elles vont devoir proposer des solutions qui collent au plus près de ce que ces parties prenantes définiront comme nécessaire ou superflu, acceptable ou inacceptable, souhaitable ou désirable, -sachant que ces définitions évoluent elles aussi dans le temps et vont dépendre des connaissances acquises au fil du temps sur le virus et la maladie.
La nécessité de se transformer
Les organisations devront aussi avoir le courage d’abandonner rapidement ce qui ne fonctionne pas au profit d’autres idées, concepts, processus et méthodes. Pour exemple, trouver un moyen de faciliter et d’améliorer la distanciation physique dans les transports collectifs en fonction de ce que les passagers veulent ou sont prêts à accepter et en fonction de l’évolution de la pandémie pourrait constituer un défi à relever en mode agile : recueillir ce que veut le client, lui livrer des versions incomplètes mais fonctionnelles à intervalles courts mais réguliers et laisser les équipes s’auto-organiser.
C’est aussi le bon moment d’accélérer la transformation numérique. Il faut profiter de ce que la crise causée par la pandémie diminue les résistances au changement pour accélérer la numérisation, pour automatiser les tâches à faibles valeurs ajoutées et augmenter les essais de nouvelles technologies tant au front office qu’au back office.
L’organisation comme un système
La crise du Covid-19 révèle aussi des faiblesses devenues invisibles dans les organisations : une chaîne d’approvisionnement fragile ou une dépendance aux produits « non-stratégiques » auxquels les dirigeants portent peu d’attention, pour ne nommer que ces vulnérabilités. Elle est une occasion formidable d’apprentissage individuel et collectif mais peu d’organisations encore y excellent. L’organisation du travail, le recrutement et l’évaluation de la performance des individus et des équipes devra faire une place plus importante au partage d’expériences, d’idées et de connaissances ainsi qu’à la création de nouvelles connaissances par des collectifs pluridisciplinaires, ce qui caractérise les approches agiles.
Finalement, cette crise montre toute l’importance de la diversité dans les organisations. Diversité de métiers, diversité de genre, diversité d’âge, diversité d’expérience, diversité d’origine sont gage de meilleures décisions et facilitent le rapprochement avec les clients internes et externes. En cette période qui demande de savoir expérimenter et de savoir capitaliser sur ce qui fonctionne, mieux vaut ne pas se censurer pour découvrir rapidement ce qui fonctionnera dans le monde post-Covid-19.
En autres termes, cessons de planifier, de vouloir contrôler, raccourcissons les cycles de transformation et d’innovation et rapprochons-nous de nos clients !
Autres articles: